Pas mon jour...

Voici Inès. Jeune, jolie, rebelle, seule, dans les souterrains... Mais que faisait-elle dans les souterrains ? Elle se rendait utile aux rebelles, pardi ! On lui avait dit d'aller vérifier que tout allait bien autour des bunkers. Au départ, elle s'était dit que cela irait vite, et avait donc abandonné ses camarades joueurs de cartes pour "faire un tour". Seulement... Durant son tour, elle avait vu une ombre bouger, par là. Mon héroïne s'était donc empressée de dégainer son arme alpha, beau révolver aux reflets de jade, avant de s'approcher, lentement mais sûrement, de l'endroit visé qui, au départ, n'était qu'à quelques cinq cents mètres des bunkers. Assez rapidement, des bruits lui parvinrent, comme des couinements de rat. Elle était arrivée à une intersection. Devant elle, il n'y avait rien. Elle jeta un oeil à sa gauche, seule autre direction possible. Dans la pénombre, elle vit pourtant une forme gigoter, ou plutôt, une forme qui faisait grouiller son amas de chair difforme. Le temps d'une grimace dégoutée d'Inès, le monstre avait déjà tourné sa tête vers elle. Enfin, tête... Sous la crasse et les pustules purulentes, il devait y en avoir une. En tout cas, les deux grands yeux blancs de cet humanoïde dégénéré étaient bien présents, bien luisants. Ils fixèrent un instant Inès, curieux... Avant de réagir. Proie ! Nourrituuuure !
"- YAAAAAH !"
Voilà comment ma rebelle se retrouva poursuivie par une créature, dans les souterrains rebelles. Pourquoi ne pas tirer sur la bestiole ? Elle était trop proche d'elle pour pouvoir se retourner sans se faire sauter à la gorge avant. Bon sang, elle aurait dû prendre une épée ! Pourquoi n'avait-elle pas pris d'épée, hein ? Elle aurait dû, rah, elle aurait dû... En attendant, elle tentait de tirer sans se retourner, mais visiblement n'atteignait que rarement sa cible. Elle avait cru entendre un "skouik !", mais son adversaire courrait toujours derrière elle.

"- WAAAAARGH !"
Pfiou, trébuché, mais pas tombé. Ils courraient depuis un moment déjà. L'instinct de survie d'Inès l'avait menée dans des lieux qu'elle connaissait peu, très peu.... Elle faisait cependant confiance à son sens de l'orientation pour la ramener aux bunkers quand la créature sera partie.
Tout à coup, des tirs ! Et pas les siens ! Inès vit sa vie défiler devant ses yeux lorsque le bruit des rayons alpha siffla à ses oreilles. La créature aussi, à la différence qu'elle déguerpit dans l'autre sens. Ma blonde restait là, immobile, au milieu d'un couloir. Devant elle, quelques silhouettes, vêtues d'habits d'un beau bordeaux. Fichtre, des guildiens ! Mieux valait jouer la carte de l'assurance. Ils ne semblaient pas avoir fait le lien entre son visage et le clan opposé au leur. C'étaient sans doute de jeunes recrues...
"- Ah, mes amis, vous m'avez sauvée d'un triste destin ! Un peu plus, et la fatigue m'emportait sous les griffes de cet horrible monstre..."
Fit-elle, haletante, en se rapprochant d'eux. Oui, c'étaient bien des p'tits bleus. Elle les félicita un peu, tant et si bien qu'ils n'osaient placer le moindre mot. Et plus elle parlait, plus elle se rapprochait. Entre deux mèches lapis-lazuli, le regard d'Inès réussit à croiser celui, caramel, d'un guildien, qui la fixait d'un air circonspect. Oh, lui, quelques secondes de plus, et il la saignait comme une vulgaire pintade, et son sang salirait leur jolies chaussettes qu'elle devinait couleur rose et abricot !
"- Merci mille fois, et... Bonne journée, hein !"
Zwip, elle re-commençait à courir, pour prendre le plus d'avance possible sur ce troupeau de niais. Quand ils ouvrirent le feu, elle redoubla d'efforts, poussée par son instinct de survie. Fichtre ! Ils avaient bien fait de les entrainer à courir, à la confrérie ! Malgré tout cela, elle sentait que si elle ne trouvait pas rapidement un refuge, un des tirs finirait par la toucher, malgré sa grande habilité à esquiver.
Elle courait, elle courait, sans savoir où elle allait ! Là où elle perdait le moins de vitesse. Et allez savoir pourquoi et comment, elle se retrouva avec une petite longueur d'avance dans un cul-de-sac. Enfin, ce n'était pas totalement un cul-de-sac, étant donné qu'au bout de ce couloir sombre il y avait une porte. Le coeur d'Inès battait déjà à toute allure, et le seul son des bottes de ces chienchiens de la brigade suffisait à le maintenir à ce rythme effréné. Bon, plus le choix: si cette porte ne s'ouvrait pas, elle était morte ! Un bref coup d'oeil lui signala qu'il fallait une carte magnétique pour l'ouvrir. Inès n'en avait qu'une. Elle la dégaina et, d'un bond agile, la plaqua contre le détecteur. Sans même attendre, elle donna un violent coup d'épaule dans la porte. Et là... Miracle ! Elle était sauvée ! Elle sentit la porte céder... Puis un violent choc, ainsi qu'un grognement de douleur. Ah, euh, oups. Elle referma en vitesse la porte, jeta un rapide coup d'oeil à la personne molestée. Elle-même n'était pas bien belle à voir. Ses chaussures étaient couvertes de la crasse viride des sous-terrains, elles qui avaient jadis la couleur du plomb. Les lacets jadis d'un beau violet d'héliotrope avaient réussi, on ne sait comment, à passer à un gris-verdâtre. Le tout, ainsi que le bas du pantalon, était parsemé de tâches un peu miel dont on ne voulait savoir la nature ! Elle avait vraiment dû trainer dans de sales coins. La peur avait un instant anesthésié toute douleur, aussi elle ignorerait sans doute, quand elle s'en rendrait compte, l'origine de la tâche d'un beau rouge grenat qui ornait désormais la manche de son t-shirt. La saleté sur ses joues la vieillissait, et ses mèches bleues perdaient de leur éclat, rendues grasses par la sueur et l'humidité des sous-sols.
Elle venait d'arriver dans un bel endroit, pourtant, bien beau et bien propre. Donc pas rebelle. Donc territoire ennemi, par déduction ! Affolée, elle re-commença à courir... Mais il était bien trop tard.